Les fonctionnaires d’une vingtaine de pays africains et francophones ont échangé du 24 au 26 mai 2022 à Accra (Ghana) sur différents éléments de réforme du mécanisme de règlement des différends investisseurs-Etats (RDIE) de la CNUDCI et ses enjeux dans le contexte de la mise en place de la ZLECAf et des Objectifs de développement durable.
A l’heure où les pays africains ont vu leurs besoins de financement s’accroître significativement pour faire face à la pandémie de Covid-19 et à ses conséquences économiques et sociales, leur capacité à attirer des investissements privés extérieurs alignés avec leurs priorités de développement et les Objectifs de développement durable est un enjeu toujours plus important.
Les mécanismes de règlement des différends investisseurs-Etats (RDIE) jouent à cet égard un rôle particulier. Clé de voûte des accords internationaux de protection des investissements, ils permettent aux investisseurs qui s’estimeraient lésés par l’État hôte, de demander réparation dans le cadre d’une procédure d’arbitrage international. Objet de vives critiques, notamment en raison de niveaux jugés élevés des indemnités imposées aux Etats, d’une certaine opacité ou de son impact sur la capacité des Etats à réglementer en faveur de l’intérêt général, ce mécanisme fait actuellement l’objet d’une réforme dans le cadre du groupe de travail III de la CNUDCI. Sa réussite repose toutefois sur l’implication et la prise en compte des préoccupations de tous les pays concernés et il est essentiel que les pays francophones africains s’y engagent de manière active.
Renforcer leurs capacités à contribuer à ces travaux était l’un des objectifs majeurs de la Réunion francophone sur le RDIE en Afrique, organisée en collaboration avec la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI) et l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA). Il s’agissait parallèlement d’établir un pont entre les discussions qui se tiennent à la CNUDCI, le droit unifié de l’OHADA, qui concernent 17 pays francophones africains, et les discussions en cours dans le cadre de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) en vue de définir les règles d’investissement qui s’appliqueront dans les pays parties à l’accord.
Durant 3 jours, des fonctionnaires de 20 pays francophones africains, auxquels se sont joints 2 pays anglophones, des représentants de plusieurs institutions internationales (Union européenne, CIRDI, CCI, ZLECAf, BOAD), de la France, du Canada et des experts indépendants ont ainsi échangé sur l’évolution des règles d’investissement internationales et continentales ainsi que les principaux éléments de réforme du RDIE de la CNUDCI, en tenant compte des besoins d’investissement du continent et des engagements internationaux en matière de développement durable.
Comme l’ont relevé les conclusions de la réunion, les participants ont souligné, au niveau international et continental, la nécessité d’un rééquilibrage et d’une meilleure prise en compte de l’ambition collective d’atteindre les ODD à l’horizon 2030 et de réaliser l’agenda 2063 de l’Union africaine, tant dans le contenu des accords d’investissement que dans les procédures de règlement des litiges, à divers égards intimement liés. Cela pourrait notamment passer par :
- l’intégration d’obligations plus fermes en matière de responsabilité sociale et environnementale pour les entreprises dans les accords d’investissement, et une meilleure protection du pouvoir réglementaire de l’État dans la poursuite d’objectifs d’intérêt général tels que la protection de la santé publique et de l’environnement,
- un plus grand rôle des mécanismes nationaux de dialogue, prévention et médiation,
- le renforcement de la sécurité juridique par les actes uniformes de l’OHADA,
- une plus grande diversité des arbitres, en termes de nationalité et de genre, que la création d’une cour plurilatérale des investissements pourrait notamment promouvoir, et la mise en place d’un organe d’appel,
- un meilleur encadrement des coûts de l’arbitrage et de calcul des indemnités, de façon à ne pas mettre en péril les capacités des pays à œuvrer en faveur des ODD.
Les participants ont encouragé la Francophonie, la CNUDCI, l’OHADA et la ZLECAf à poursuivre leur dialogue pour renforcer les capacités des pays francophones à contribuer aux discussions internationales et continentales sur les règles d’investissement et de règlement des différends investisseurs-Etats, en faveur d’une plus grande convergence et cohérence.
Cette activité a reçu le soutien financier de la France et de l’Union européenne qui ont contribué à la prise en charge des participants et de la traduction français-anglais.