La Secrétaire générale de la Francophonie, Louise Mushikiwabo, a réuni, le 11 mars 2025 à New York, les Ministres et Chef.fe.s de délégation des pays membres de l’OIF prenant part à la 69e session de la Commission de la condition de la femme.  

Rendez-vous principal des Nations Unies consacré à la situation des droits des femmes, cette 69e session marque également le 30e anniversaire de la Déclaration et de la Plateforme d’action de Beijing qui avaient fixé des objectifs ambitieux pour l’avancement des droits des femmes. C’est à travers un diner-débat, appelé à amplifier les voix et à souligner les vécus francophones, en mettant l’accent sur les solutions du terrain, que cette rencontre de haut niveau a offert aux Ministres une tribune pour partager leur expérience et leur vision.  

La discussion a été marquée par la présence de près de trente délégations, représentant la diversité des régions francophones, des acteurs de la Francophonie et des partenaires onusiens (ONU Femmes et Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes). Ouvrant le débat, Louise Mushikiwabo a fait référence au bilan des trente années écoulées, aux constats qui ne réjouissent pas et aux reculs. Mais ce bilan est également marqué de progrès indéniables que la Francophonie, constellation d’acteurs et d’opérateurs, s’efforce de rassembler et de mesurer.  

La Secrétaire générale a appelé à construire des sociétés apaisées au service de la réalisation effective et durable des droits des femmes et des filles, à l’échelle internationale comme à l’échelle locale, au niveau des communautés comme des familles. Accompagner les femmes dans leurs droits est une question d’équité. Le rôle économique et politique des femmes est une évidence, et la Francophonie a élu deux axes majeurs d’intervention : l’éducation des filles et l’autonomisation économique des femmes, qui prend corps dans le Fonds de solidarité de l’OIF « La Francophonie avec Elles ». L’impact de ce dispositif, présenté par Michèle Balourd-Quidal, Cheffe de l’Unité égalité femmes-hommes de l’OIF, a été mis en évidence : ses résultats illustrent combien une intervention correctement ciblée peut, même avec des moyens financiers mesurés, provoquer des changements tangibles et systémiques pour les femmes, leurs familles et leurs communautés.  

C’est lors d’une conversation dynamique, modérée par l’Ambassadrice Ifigeneia Kontoleontos, Représentante de l’OIF auprès des Nations Unies, que les Ministres ont parcouru leurs territoires et leurs régions, et décrit les défis les plus significatifs auxquels ils font face. Mme Nassénéba Touré, Ministre de la Femme, de la Famille et de l'Enfant de la Côte d’Ivoire, est revenue sur le rôle des femmes dans la construction des Nations en Afrique, et sur les crises successives qui ont été un frein à la mise en œuvre des décisions de Beijing. Elle a souligné l’immense contribution des femmes ivoiriennes dans la construction économique, dans l’adoption de lois sur la parité, ainsi que la progression de leur place dans la vie politique. La Côte d’Ivoire a travaillé sur la masculinité positive et les contextes culturels et traditionnels comme leviers de stabilité et de cohésion nationales. Les barrières ont été progressivement levées avec un engagement fort dans le domaine de l’éducation et la progression du taux de scolarisation des filles.  

A son tour, Mme Sofia Zacharaki, Ministre de la Cohésion sociale et de la Famille de la Grèce, a mis l’accent sur les politiques publiques en faveur de l’autonomisation économique des femmes. Ce que la Grèce a réussi, notamment sur le plan législatif et de la parité, doit être approfondi afin de parvenir au changement des mentalités. Il en est de même au niveau de l’éducation : 95% des filles suivent un enseignement secondaire et beaucoup entrent à l’université, mais le marché du travail reste marqué par de fortes discriminations. Le rôle principal des femmes dans le soin des familles n’est pas considéré à sa juste valeur. La détermination doit rester le maître mot pour avancer.   

A sa suite, Lydia Toto Raharimalala, Coordinatrice du Réseau francophone pour l’égalité femmes-hommes (RF-EFH), a mis l’emphase sur le rôle fondamental de la société civile qui œuvre au plus près des communautés locales et des ménages, dans les grandes villes comme dans les zones rurales, et représente un véritable acteur du changement. Pour avoir une société plus égalitaire, l’éducation est la clé. Malheureusement, le poids de la religion et de la culture freine la réalisation de l’égalité entre les filles et les garçons. L’éducation des filles et leur rétention à l’école sont incontournables.  

Mme Asma Jebri, Ministre de la Famille, de l’Enfance et des Personnes âgées de la Tunisie, a quant à elle évoqué le travail de son pays en faveur de l’autonomisation économique des femmes, puis le problème que les femmes entrepreneures tunisiennes rencontrent au stade de la commercialisation et de l’écoulement de leurs produits, et les solutions qui ont pu être trouvées en s’appuyant sur les technologies. Elle a déploré que seulement 10% des chefs d’entreprises soient des femmes. La Ministre a en outre rappelé la consécration de l’égalité des sexes en Tunisie dès l’indépendance et donc bien avant Beijing, et les efforts complémentaires dans la lutte contre les violences faites aux femmes qui ont été menés.  

La Représentante d’ONU Femmes en Haïti, Mme Marie Goretti Nduwayo, a pu alors alerter l’audience sur l’impact immense des crises qui secouent Haïti, et en particulier la crise sécuritaire, sur les femmes et les filles, victimes nombreuses de violences indicibles. Le viol des femmes est devenu une arme de domination, une tactique d’expansion territoriale des gangs armés. Revenant à son tour sur l’importance de l’éducation des filles et de l’autonomisation économique des femmes, elle a décrit le quotidien des Haïtiennes, les écoles et les infrastructures publiques détruites par les gangs, les populations fuyant vers les sites de déplacés qui sont le lieu de nouvelles discriminations et violences. Face à cela, elle a évoqué les solutions développées par les femmes haïtiennes elles-mêmes, qui soutiennent l’économie informelle du pays.   

La Ministre de l'Action sociale, de la Solidarité et de la Promotion de la Femme du Togo, Mme Kossiwa Zinsou-Klassou, a partagé à son tour l’expérience concrète de son pays dans l’appui à l’autonomisation économique de la femme en milieu rural, au niveau de la production et de la transformation, pour dégager de la valeur ajoutée. Elle a rappelé l’expérience des Nana Benz, figures emblématiques de l’entreprenariat féminin au Togo. N’ayant pas eu la chance d’aller à l’école, ces femmes ont néanmoins bâti un empire économique et légué leur héritage à leurs filles et petites-filles, qui investissent aujourd’hui dans le e-commerce. Elle a en outre présenté l’appui apporté aux femmes handicapées dans l’apprentissage d’un métier et leur contribution au développement du pays, puis a insisté sur la scolarisation des filles et les problématiques qui se posent aujourd’hui dans les établissements scolaires.  

Mme Minarii Galenon Taupua, Vice-présidente de la Polynésie française et Ministre des Solidarités, en charge de la Famille et de la Condition féminine, a dit le vécu des femmes polynésiennes, leurs souffrances, identiques à celles des femmes du monde, et l’engagement de son gouvernement à lutter contre ces violences et à créer une société apaisée. Cet effort s’est notamment traduit par un plan sur la dignité humaine et un travail étroit avec les représentants des confessions religieuses. La Vice-présidente a voulu également saluer les hommes de la Polynésie, qui deviennent des alliés, et souligner à son tour l’importance de l’éducation, des filles et des garçons, notamment à la parentalité. Dans ce chemin, la culture et la connaissance des identités représentent un moteur.  

Enfin, la Ministre des Affaires féminines du Cambodge, Mme Kantha Phavi Ing, a relevé la similitude des défis auxquels font face l’ensemble des régions, et mis à son tour en lumière l’importance à la fois de l’engagement des hommes et des garçons – indispensable au changement des mentalités – et de l’autonomisation économique des femmes pour l’avancement de leurs droits. Elle a formé le vœu que le XXe Sommet de la Francophonie, qui se tiendra au Cambodge en 2026, permette de poursuivre la solidarité qui s’est exprimée durant cette rencontre. Un appel au partage continu des expériences et des connaissances, qui aura aussi été le fil conducteur de ce débat, à la fois dense, inspirant et émouvant.

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